Que faire? Oups ! il n’y a rien à faire. Où à ne pas faire - Francis Répond - 89

Francis Lucille

Cher Francis, Un peu de biographie, un peu seulement parce que la biographie relève de la formation du moi. Je suis né d’une famille athée mais depuis l’âge de dix ans je me suis intéressé à la ‘spiritualité’ sous presque toutes ses formes jusqu’à mon baptême à l’Eglise Orthodoxe à l’âge de 27 ans. Je suis de formation comptable. Ma pratique consistait simplement dans la répétition persévérante, humble et détachée de toute ambition spirituelle du Nom de ‘Jésus-Marie’, sur le rythme de la respiration alternée. Cette répétition se faisait dans la confiance en la puissance sanctifiante de ce Nom, en vertu de l’identité essentielle du Nom et du Nommé. Le but était d’être intimement persuadé de la vérité de ce Nom, que cette vérité mûrisse en conviction et cette conviction en vécu. J’ai tout arrêté depuis un an que j’ai découvert Henri Le Saux, Ramana,Nisargadatta,Jean Klein….La voie non dualiste enseigne que (si j’ai bien compris) : 1- Que toute pratique spirituelle, loin de nous désapproprier renforce le moi. Quand je dis plus haut ‘’ détaché de toute ambition spirituelle’’, c’est faux selon la perspective non dualiste. Toute pratique qui implique une finalité engendre un devenir. Et l’ego subtilement se délecte de ce devenir. 2- La pratique idéale (il faut bien employer un mot) serait la vie de tous les jours dans la prise de conscience des phénomènes : ‘Je est un autre’.

Je suis dans une impasse? Que faire? Oups ! il n’y a rien à faire. Où à ne pas faire. Oups ! ne pas faire sait faire à la forme négative. Que pouvez-vous me conseiller? 3- Pourquoi me poser la question ‘’Qui suis-je’’? Alors que je constate que ‘je suis’, que j’existe. De plus par la psychologie moderne je sais que je ne suis pas mon ‘moi’, mes déterminismes socio-psychologiques : mes croyances, mes pensées automatiques néfastes, mes schémas de pensées dysfonctionnels. Par ailleurs je sais par la révélation judéo-chrétienne que je suis à l’image de Dieu, donc que ‘l’homme passe (infiniment) l’homme’. Et ça je le sais par mes lectures mais aussi par mon expérience. Le simple fait de penser ce que je viens d’écrire prouve une existence méta-spatiale, méta-temporelle, méta-multiple de mon être le plus profond. C’est déjà une certaine expérience de l’immortalité…. Autre preuve, l’expérience la plus banale de constater le temps qui passe, prouve que je suis…de ‘condition divine’. Alors pourquoi mon moi est-il encore au centre du moyeu au lieu d’être à la périphérie? 4- Comment retrouver ce que je suis. Comment réaliser existentiellement que je suis un espace d’accueille et de don. Je(?) veux absolument atteindre le But (?)! Toute ma vie est engagée dans la spiritualité et dans ce désir de la déification (où quel que soit le mot). Mais je suis comme une fusée propulsée qui ne décolle pas et qui n’arrive pas à désarrimer les étages du corps et du mental. Merci beaucoup de votre compréhension et de votre aide. Patrick

Cher Patrick,

Vous évoquez les points suivants:

1-“La voie non dualiste enseigne que (si j’ai bien compris) toute pratique spirituelle renforce le moi.”

Cela vaut pour toutes les pratiques qui sont fondées sur la croyance en l’existence d’un moi séparé, mais non pour celles qui remettent en question cette croyance.

2- “Je suis dans une impasse: que faire?, Oups ! il n’y a rien à faire. Où à ne pas faire, Oups ! ne pas faire, c’est faire à la forme négative. Que pouvez-vous me conseiller?”

Vous ne pouvez pas simultanément croire en une chose et en son contraire.

Si ou quand vous croyez ou ressentez être une conscience séparée et limitée, cela implique que vous croyez que ce moi séparé est l’auteur de vos actes, que vous êtes un “faiseur”, et si vous croyez être un “faiseur”, alors il y a quelque chose à faire. Et ce qu’il y a à faire c’est rechercher les preuves à tous les niveaux (sensoriel, perceptuel et intellectuel) qui établissent votre croyance. Cette recherche va vous conduire à la compréhension profonde que ces preuves sont absolument inexistantes, et vous laissera ouvert à la possibilité que votre conscience ordinaire est en fait divine et universelle.

Si ou quand vous ne croyez ni ne ressentez être une conscience séparée et limitée, vous êtes

ouvert à la possibilité que votre conscience ordinaire est en fait divine et universelle. Il n’y a alors rien à faire. Vivez simplement dans cette ouverture.

Au début, vous oscillerez rapidement entre ces deux situations, entre l’investigation et la méditation, mais graduellement vous vous établirez dans la méditation, dans la tranquillité du non-faire.

3- “Pourquoi me poser la question ‘’Qui suis-je’’? Alors que je constate que ‘je suis’, que j’existe.”

Vous savez que vous êtes, mais vous ne savez pas encore ce que vous êtes. Et vous ne savez pas encore ce que vous êtes parce que vous croyez être autre chose que ce que vous êtes vraiment. En vous posant la question “Qui suis-je?”, ou, mieux, la question “Que suis-je?”, ou, plus précisément, la question " Quelles sont les preuves que cette conscience que je me sais être est séparée, limitée dans le temps et dans l’espace, et non cosmique, divine et impersonnelle?“, vous vous débarrasserez de la croyance en un moi séparé, croyance qui est le seul obstacle au bonheur.

4- “Comment retrouver ce que je suis? Comment réaliser existentiellement que je suis un espace d’accueil et de don? Je(?) veux absolument atteindre le But.”

En vous libérant de ce que vous n’êtes pas par l’investigation et par l’abandon confiant à la Présence que vous êtes. L’assistance d’un instructeur établi dans cette tranquillité est souvent nécessaire et toujours utile.

Bien amicalement,

Francis

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