Ce que des aspirants sincères ont expérimenté après une vie complète d’intenses efforts à l’époque des Védas, est rendu accessible actuellement dans un temps plus court par l’application directe du haut raisonnement humain. Une telle méthode fut adoptée par Shri Atmananda (Introduction aux “Notes” par Nitya Tripta).
Une opinion différente fut cependant exprimée il y a cinquante ou soixante ans (René Guénon, A.Coomaraswamy et F.Shuon parmi d’autres) à propos de l’homme contemporain, la conclusion étant qu’il y aurait eu un déclin de la capacité contemplative après le Moyen-âge en Europe (et probablement aussi en Orient). Coomaraswamy utilisait le terme de “dégringolade” en référence à ce phénomène.
La coexistence de ces deux mouvements contradictoires persiste t-elle dans le monde moderne? Le sujet est empirique, mais me paraît intéressant à étudier. A.M.
Cher Alberto,
Votre question est intelligente et bien construite. Cependant, comme vous l’avez déjà noté, c’est aussi une question un peu intellectuelle et phénoménologique, dont la réelle et profonde réponse est : “Qui sait?”
A un niveau plus mondain, on pourrait peut-être dire que, pendant que le courant contemplatif déclinait dans le monde moderne, les moyens mis à la disposition des chercheurs devenaient de plus en plus efficaces.
Par exemple, l’extraordinaire développement de la méthode scientifique depuis le 18ème siècle a conduit d’un côté à la technologie moderne, et par conséquent à l’expansion d’une culture orientée vers le matérialisme et les gadgets. D’un autre côté, c’est exactement le même changement de paradigme qui a éliminé les anciennes religions ainsi que les tabous culturels et les inhibitions qui rendaient impossible d’exposer et de communiquer la simple vérité nue de l’Advaïta. Rappelez-vous les persécutions endurées par Jésus, Maître Eckhart, Saint Jean de la Croix, Hallaj, Madame Guyon parmi d’autres. Comme Atmananda l’avait pointé, nous bénéficions d’une fenêtre d’opportunité spirituelle sans précédents dans l’histoire. Nous pouvons considérer la simultanéité du déclin des valeurs spirituelles et de l’amélioration des moyens de l’éveil comme un acte de rééquilibrage de toute beauté de la part de l’Absolu. Il n’y a pas d’incompatibilité entre les points de vue d’Atmananda et de Guénon.
Un mot cependant à propos de la confusion qui règne dans certains cercles pseudo-advaïtique entre l’éveil et la réalisation du soi, ou, comme Atmananda l’aurait peut-être exprimé, entre le nirvikalpa et le sahaja samadhi. Aussi longtemps que l’on croit qu’il y a un acteur, il reste beaucoup de choses à faire en termes de d’investigation du soi et de méditation. Et même après un premier aperçu de la vérité, la paix stable ne s’installera dans la plupart des cas qu’après un processus de raisonnement rigoureux, de sensibilité élevée, et de contemplation.
L’ubiquité des moyens de l’éveil dans l’Occident moderne n’implique pas la présence ubiquitaire d’être réalisés, et il se pourrait bien que le pourcentage de sages ait été plus élevé dans les autres civilisations.
Bien amicalement,
Francis
Traduit de l’anglais par Stéphane Badach
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