J’ai un problème qui est que ma conscience ne me paraît pas seulement inclure le corps-mental, mais être emprisonnée par lui. J’aimerais faire l’expérience que la conscience existe indépendamment du cerveau, plutôt que seulement le croire – et parfois en douter. Ma seule expérience de ma conscience s’est faite jusqu’ici sous la forme de perceptions, et donc au travers du mental. Toutes mes perceptions viennent de sensations du corps, de pensées ou de sentiments qui pourraient être le résultat de processus chimiques du corps. C’est uniquement en expérimentant la conscience au-delà des contraintes du corps que je pourrais me connaître moi-même réellement, comme étant plus que de la matière venue à la vie comme par magie.
Ne vous méprenez pas. J’ai été élevé dans une famille advaïtique, et je ne suis pas en train d’en faire ici la critique. Mais tant que je suis dans cet état limité, tout cela reste des concepts, soutenus par quelques aperçus, et par les témoignages de ceux qui déclarent être cela, et qui le prouvent par leur mode de vie. Il y a aussi des moments où l’intellect ne peut ou ne veut plus douter, parce qu’à l’intérieur il y a cette beauté qui s’installe en moi, et que je me laisse aller à elle.
Mais c’est peut-être parce que le mental cherche le confort de cet état? Je ne saurais le dire. Cela varie de moment en moment. Lorsqu’à l’intérieur la certitude est là, les doutes s’apaisent, puis ils reviennent en force un peu plus tard. L’intellect me dit que si ma conscience n’est pas un produit du cerveau, mais qu’elle est universelle, alors je devrais être capable de briser les chaînes de cette hypnose et m’expérimenter sous toutes les formes et dans tous les corps, les pensées et les sentiments, exactement de la même manière que pour un seul corps. Ce qui en soi n’est, bien sûr, pas plus désirable que la relation avec ce seul corps et pourrait mener à l’identification avec tous les corps, leurs sens, leurs pensées et leurs sentiments aussi bien qu’avec celui-là.
Mais j’aimerais une fois pour toute résoudre la question. Et c’est, comme je vous ai entendu le dire une fois, l’épine avec laquelle on extrait l’épine. Je ne recherche pas des expériences extraordinaires, comme des feux d’artifice. Mais j’ai besoin que mes doutes soient détruits dans le feu d’une expérience directe indubitable. Pouvez-vous m’aider?
Om
Vishvarupa.
Cher Vishvarupa,
Imaginons un instant que votre mental ait accès à au moins un autre mental, dans une sorte d’expérience télépathique, et qu’il revienne ensuite à son état ordinaire. Les croyances dans une séparation totale seraient sans doute mises à l’épreuve par une telle expérience, mais les doutes que vous évoquez en seraient-ils détruits pour autant? Ou auriez-vous de nouveaux doutes à propos de cette nouvelle expérience, à présent réduite à une simple collection de souvenirs? Et imaginons qu’au lieu d’avoir accès à un seul mental, vous ayez accès à un grand nombre de mentaux, voire à tous. Quelle différence apporterait une plus grande quantité?
Une expérience de ce genre, même si elle pourrait avoir une certaine valeur pour vous aider à supprimer certaines croyances, n’installerait pas en vous la certitude inébranlable que vous recherchez. La raison à cela est qu’une telle expérience reste cantonnée entre les murs de l’objectivité, du mental, même si c’est un mental étendu. Vous êtes déjà partiellement conscient de cela dans votre question, lorsque vous dites « ce qui en soi n’est, bien sûr, pas plus désirable que la relation avec ce seul corps et pourrait mener à l’identification avec tous les corps, leurs sens, leurs pensées et leurs sentiments aussi bien qu’avec celui-là ».
Tout ce qui apparaît dans le mental peut être mis en doute, car ce peut être un rêve, une illusion. A ce moment même, tous les objets qui apparaissent à vous pourraient être les éléments d’un rêve que vous êtes en train de créer, car pendant que vous rêvez, vous n’êtes pas conscient que vous rêvez. Comment quelque chose de douteux pourrait-il jamais détruire vos doutes? Par conséquent, seule la partie certaine de votre expérience peut avoir la force de détruire vos doutes.
Si nous regardons notre expérience, la seule partie qui ne peut être mise en doute est celle de la conscience. Même si tout le reste est une illusion, je suis toujours absolument certain qu’il y a conscience. Ainsi, la seule approche qui peut vous libérer de vos doute est celle de la conscience, celle du « je suis », et non celle du mental, du corps ou du monde.
Vous pourriez objecter qu’avec cela nous avons bien peu avancé dans le sens d’une expérience positive, et vous auriez raison. Le seul problème est que rien de certain ne peut être accompli par une expérience positive au travers du mental. Reconnaître ce fait, être absolument convaincu de sa véracité est déjà un grand accomplissement, et c’est en fait le plus grand accomplissement auquel le mental puisse avoir accès, et le seul pré-requis pour une véritable expérience libératrice. Votre question montre que cette conviction n’est pas encore complète dans votre cas. J’espère que ma réponse contribuera à sa complétion, qui se manifeste par un complet abandon de tout effort pour obtenir ce que vous attendez dans le royaume des objets, qu’ils soient grossiers ou subtils.
La Grâce
vous mènera naturellement au-delà de ce seuil, aussi doucement et naturellement que vous respirez, et votre attente pour cela est déjà
la Grâce.
Bien amicalement,
Francis
Traduit de l’anglais par Stéphane Badach
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